Une danse, Alex ? [Pv Alex]

Je n’ai jamais beaucoup aimé ce genre de festivité, mon chou. Vois-tu combien de sacrifices je fais pour te plaire, pour te faire la cour dans les règles de l’art ? L’amoureux que je suis s’est renseigné sur l’oisillon que tu es de façon à te connaître sur les lignes de ma main. Le matin, tu aimes dévorer des bols entiers de Golden Graham en plus d’une dizaine de tranches de pain dégoulinantes de beurre et boire un grand verre de jus de pomme. Aussi, je sais que tu apprécies la nourriture végétarienne, les soirées mouvementées, la danse, la boxe, le théâtre, les sorties entre amis et écouter des émissions à la télévision comme Touchwood, Lost ou DH. Par ailleurs, je connais toute la rancœur que tu portes envers ton géniteur et le dégoût envers ta pathétique sœur qui retrousse ses jupes dès qu’une bite juteuse croise son chemin. Oh oui, je sais tout ça. Pourquoi donc suis-je au courant de faits insignifiants de ta petite vie ? Parce que j’y porte un intérêt tout particulier. Jamais, au grand jamais, tu ne rencontreras un homme comme moi. Jamais. Je suis unique. Et le seul pouvant ressentir quelque chose d’aussi fort pour un individu tel que toi. Crois-tu vraiment que toutes ces petites gueuses qui se trémoussent joyeusement autour de toi te veulent pour ta cervelle, tes qualités et tes défauts ? Non. Elles veulent coucher avec toi et s’en vanter par la suite. Mais moi, moi je ne suis pas comme ça. Moi, je ressens de véritables sentiments.

La musique vibre dans l’air, crépite dans l’atmosphère. Elle est tellement puissante que j’ai l’impression d’avoir les oreilles collées contre les haut-parleurs. Des corps s’empressent autour de moi, se tordaient dans toutes les positions possibles à leurs pauvres membres éprouvés par la prise de drogue. Des rires fusent de toute part, des éclats de voix également, mais la musique résonne dans la vaste salle illuminée par une tempête de lumières vives et foudroyantes. Au loin, je te vois, dansant comme une furie avec tes amis. Oui, je suis venu jusqu’ici pour te voir toi, uniquement toi. Quand je t’ai entendu t’époumoner à la boutique sur un rave, j’ai tout de suite décidé de te rejoindre ici afin de partager une danse avec toi, qui sait.

Lentement, contournant la mer de corps agités de spasmes ondulés, je me dirige dans ta direction, me faufile parmi deux femelles à la poitrine opulente qui bondit joyeusement, en me disant que l’un de mes amis aimerait bien se retrouver avec elles, et je me poste derrière toi. Je glisse, avec douceur d’abord, mes mains sur tes hanches et me presse contre toi. Aussitôt, comme je l’espérais, tu agrippes mes mains et te frotte contre moi tout en m’entraînant dans une série de pas endiablés. Jamais tu ne te retournes pour t’assurer de mon identité. Et même lorsque je dépose des baisers furtifs sur ta nuque, tu ne sembles rien apercevoir. Je souris de plus belle et te permets de te caresser tout contre moi en remuent le postérieur, en balançant le bassin, en agitant ton corps au complet.

La musique nous emporte dans une fièvre d’euphorie. Je soupçonne Alexis d’avoir consommé quelque chose vu son comportement inhabituel, mais je ne m’en plains pas. Il me fait danser, il se plaque contre moi, serrant parfois mes bras contre sa poitrine et ensuite brandissant ses mains vers les cieux pour appuyer les boum-boum de la chanson comme tous les autres jeunes.

Tu es vraiment adorable, Alex, lorsque tu remues comme ça, les cheveux plaqués sur ton crâne à cause de la sueur. Tu es beau. Trop beau.

Je m'éclate, littéralement. La musique fait battre mes tempes à une vitesse folle. Comme à toutes les fois, j'ai l'impression de perdre le contrôle de mon corps, d'obéir à une espèce de force divine musicale. Mes membres bougent d'eux-mêmes, ignorant la dernière partie de mon cerveau qui soit encore un tant soit peu fonctionnelle. Je regarde devant moi, et tout ce que je vois, c'est une masse informe de gens qui s'agitent, qui dansent, qui ressentent exactement la même chose que moi, qui vivent la même euphorie surréaliste et riche en couleur. J'ai du danser avec au moins dix inconnus depuis le début de la soirée, me pressant tantôt contre des filles, tantôt contre des garçons, comme en ce moment. En temps normal, ça me dérangerait. Mais ici, ce n'est pas un endroit normal, c'est en dehors du temps, en dehors de la réalité. Ici c'est autre chose.

Cette personne, qui se presse contre moi avec insistance, qui parcourt mon corps de ses mains d'une manière presque obscène … en temps normal je lui sauterais à la gorge, homme ou femme. Cette intolérance que j'ai de la proximité des gens, elle disparaît quand je me trouve dans cet état de transe chimique. Je ne pourrais pas le jurer, mais je crois que même Ford réussirait à s'approcher de moi. Ford … Pourquoi est-ce que je pense à lui tout à coup ? Pourquoi est-ce qu'il vient s'immiscer dans mon petit cocon de bonheur ? J'ai la drôle d'impression, soudainement, de reconnaître ces grosses mains qui caressent mon ventre, mes fesses, mes hanches. J'ai l'impression de reconnaître cette bouche qui s'est tout à l'heure posée contre ma nuque.

-Ford, je murmure, épouvanté.

Tout à coup, j'ai terriblement chaud, mais pas d'une chaleur agréable. J'arrête de danser brusquement, pris de panique. J'aurais dansé avec Ford ? Je n'ose même pas me retourner pour vérifier cette hypothèse. Une impression de malaise s'empare de moi. J'ai besoin d'air, maintenant, tout de suite. Affolé, je bouscule quelques personnes qui ne s'en aperçoivent pas, courant vers la sortie. Ce n'est pas la porte principale, mais ça fera l'affaire.

C'était la porte arrière. Je débouche dans une ruelle mal éclairée, aspirant une grande goulée d'air, comme si c'était la première fois que je respirais. Je me souviens d'avoir ressenti ça une fois : lors de mon premier rave. J'avais essayé le speed, sans savoir le moins du monde ce que ça me ferait. Résultat prévisible. J'ai eu un malaise et j'ai du sortir, pantelant, hors de la place. Comme maintenant. Mais cette fois, ce n'est pas la drogue : c'est Ford ! Qu'est-ce qu'il avait besoin de se pointer ici cet abruti ? Je prends des vacances pour m'éloigner de lui, me reposer l'esprit. Je viens ici pour dépenser mon trop plein d'énergie et d'émotions et qui je rencontre ? LUI ! Je tousse, donne un coup de pied dans une poubelle qui fait un bruit horrible avant d'arrêter de rouler au milieu de la ruelle. Rentrer chez moi. Maintenant. Je veux rentrer, me faire un chocolat chaud, et aller me coucher pour les prochaines 36 heures.

Je me dirige vers la rue perpendiculaire à la ruelle. La musique du rave continue de retentir à mes oreilles, mais en moins fort. Mon corps me démange, toujours sous l'effet de la drogue, ressentant le besoin urgent de bouger, de se dépenser. Résigné à mettre fin à ma soirée, je longe les trottoirs, me forçant à ne pas me mettre à courir comme un idiot. Derrière moi, des pas retentissent, des pas que mon cerveau embrouillé mélange avec tous les autres sons de la rue pour en faire de la musique techno. Une main agrippe mon bras, me force à m'arrêter.

-Alex, ça va ?

Toi … Je me retourne vivement, furieux, pressé de te coller mon poing sur le nez, sur la joue, sur la mâchoire, dans le ventre … n'importe où, tant que ça te fasse mal, longtemps. Le mouvement était peut-être un peu trop rapide et ma tête se met à tourner. Je m'appuie à un lampadaire, prends une grande respiration.

-Pourquoi tu m'suis ?

Te suivre ? Il n’est pas question que je te suive, mon tout petit chou, mais plutôt de me fondre dans ton ombre, d’emprunter ton chemin afin de savourer l’odeur de ton parfum entêtant et d’admirer ta silhouette qui me tant fait rêver la nuit. Silhouette qui me plait démesurément, silhouette qui m’enivre, qui m’obsède, qui me transporte dans un monde de luxure et de passion. Te suivre ? Je ne te suis pas. Je marche à tes côtés comme une ombre bienfaitrice, protectrice. Un peu comme ton ange gardien, seulement je n’ai point d’ailes ni d’auréole lumineux au-dessus de ma tête. En quelque sorte, je veille sur toi. Ne suis-je pas bon, mon tendre aimé ? Ne suis-je pas formidable ?

-La véritable question aurait-été pourquoi m’avoir croisé dans un tel lieu, je rectifie en permettant mes lèvres de s’étirer en un sourire vorace.

Ton visage blafard se redresse et me dévisage avec animosité. Mais toute cette haine, cette rancœur, ce mépris me brisent le cœur, m’apportent un tourbillon de tristesse et de désespoir. Non. Non, Alex ! Cesse de me fixer avec ces yeux si peu aimables, avec cette bouche tordue par un rictus, avec ce visage déformé par les émotions. Malgré la lueur meurtrière que je décèle dans tes prunelles, je ne rebrousse pas chemin, pire je me rapproche de toi et t’examine avec l’attention d’un médecin passionné. Tu es fort pâle, la peau perlant des gouttes de sueur. Serait-ce la drogue que tu as consommée plus tôt dans la soirée qui te procurent de tels effets ou bien serait-ce la simple idée d’avoir dansé avec moi, de m’avoir offert ton corps sans résistance et avec toute ta bonne volonté. Que je peux t’aimer, Alex. Toi et ta sottise. Je siffle entre mes dents devant ton apparence lamentable et critique, sérieusement, tu devrais arrêter les petites pilules.

-Alors, why ? craches-tu comme si tu étais roi et que tu t’adressais à ton misérable esclave.

-Mais parce que je venais danser. Penses-tu vraiment que tu es ma raison de vivre, mon pauvre Alex ? Alors si c’est le cas, dégonfle ta tête.

Comme je le prédisais, ton expression se modifie rapidement. De la colère, tu passes à l’ébahissement tout en m’étudiant de la tête aux pieds. J’hausse les épaules et te gratifie d’un sourire espiègle. Humm…Ce que tu es beau. Les rayons de la lune semblent t’illuminer comme ils l’eurent fait à un roi. Oh mais là, je viens de proclamer un monstrueux mensonge, mon amour. J’ai prétendu que tu ne représentais absolument rien pour moi, alors que tout cela est faux, tellement faux. Car, en vérité, tu ne peux imaginer la douceur de mes nuits et la nature de tous mes fabuleux fantasmes dans lesquels je plonge volontiers. Je rêve la nuit que je t’embrasse, que tu m’enjambes, que tu me souffles des mots doux et tendres, que tu m’invites…que tu…

-Tu venais danser ? répètes-tu, dérouté.

-Évidemment, je rétorque, exaspéré. Et puis, je t’ai vu…J’ai décidé d’aller te rejoindre et l’alcool et la drogue ont fait le reste. Alex, tu es sûr que tu vas bien ? Tu es tout pâle.

Tu acquiesces, seulement je ne suis pas totalement convaincu. Alors que tu tentes de te redresse, tu trébuches, tu vacilles dangereusement et, pris d’un terrible étourdissement, tu manques de t’effondrer sur le sol. Alors, moi, en très bon samaritain, je passe un bras autour de ta taille et te propose de te raccompagner afin de m’assurer qu’il ne t’arriver rien durant le trajet.

Je refuse, je ne veux pas que tu viennes me reconduire chez moi. Tu ne comprends pas je crois. Chez moi, c'est le seul endroit où j'ai la paix de toi, c'est mon sanctuaire anti Desmond. Et tu te proposes d'en franchir les limites, de le violer de ta présence ? C'est tout à fait hors de question. Sauf que, pilules chimiques et alcool à fortes doses – plus bien sûr les émotions fortes - ne faisant pas bon ménage, je ne contrôle pas la tête qui se balance docilement de haut en bas. À vrai dire, c'est aussi bien. Je ne crois pas que je me serais rendu à la maison en un morceau – pas même en deux, pour tout dire. Je soupire, te laisse me redresser et passer doucement ton bras autour de ma taille. J'essaie de ne pas porter trop d'attention à ta main, posée sur ma hanche avec une poigne plus personnelle que professionnelle. Je me garde bien de te le faire remarquer, pour deux raisons : j'ai la bouche toute pâteuse, et une très forte envie de gerber. Vois-tu, habituellement, je trouve que ton parfum sent assez bon, seulement là, j'ai déjà mal à la tête, et ton odeur de mâle viril me donne grave mal au cœur.

Ce que je ne comprends pas, c'est que Desmond ne semble pas avoir besoin d'indications, comme s'il connaissait déjà le chemin par cœur pour se rendre chez moi. Je soupire. Peut-être qu'il a lu mes papiers au travail, par inadvertance, peut-être qu'il m'a déjà vu sortir de chez moi ou encore, peut-être que j'avais raison de paranoïer et qu'il me suit effectivement partout où je vais, ce qui expliquerait sa présence dans un rave alors qu'il ne semble vivre que pour la musique métal. Et normalement, il y a peu de grands gothiques sombres et ténébreux qui adorent la musique techno.

Je crois que je pense trop parce que, à deux rues à peine de chez moi, e suis pris d'une violente nausée qui me force à m'agenouiller par terre. Rien ne sort, mais je reste plié en deux pendant un moment.

-C'est mauvais la drogue, lance Desmond en m'aidant à me relever.

-C'est pas la drogue, je dis, buté.

Ou peut-être que si. Mon fournisseur habituel n'était pas là ce soir, donc ce que j'ai acheté n'est peut-être pas de la même qualité que ce que je consomme habituellement, dans les fêtes de ce genre. Mais ça, je ne le dirai pas à Desmond, parce qu'il serait trop content de pouvoir me dire que je suis un immature incapable de se servir de sa tête ne serait-ce qu'une seconde. Je soupire, nous reprenons notre marche. Devant la maison, je lui dis qu'il peut repartir, qu'à partir de là, je peux sans mal m'en sortir tout seul, comme un grand. Il secoue la tête.

-Ta chambre est en haut ?

-Yeah … Pourquoi ?

-Et la douche ?

-Upstairs too … pourquoi ?

Il me pousse vers la porte d'entrée, prétextant qu'il ne me laissera pas monter l'escalier dans mon état, et qu'il ne partira pas avant que je sois en sûreté dans mon lit. Je marmonne quelques imprécations virulentes à son adresse en le suivant, car il m'a pris mes clés dans ma poche. La maison est vide : le père est en voyage d'affaires, et la sœur avait une soirée avec des amies à elle.

listening to Peter Pan OST - Fairy Dance

Tu es d’un pathétisme navrant mon pauvre Alex, te voir ainsi perché à mon bras, à moitié mort de fatigue et engourdi par les effets néfastes de la drogue, me procure un sentiment paternel dont je me méfie royalement. Tu vois, je n’ai jamais voulu être père autant parce qu’il m’est impossible de féconder une dame dû à mon impuissance devant un corps féminin autant parce que je méprise les enfants à un degré que tu ne peux imaginer. Ils babillent, ils vagissent, ils beuglent, ils se lamentent, ils salissent notre vie et ne font que nos embêter. Non, les enfants sont l’une des catastrophes terrestres. Par chance, mes opinions sur la question sont différentes des autres, alors je les laisse pondre des mômes et poursuivre l’éternel cycle de la vie. Après tout, ça me fait plus d’amants. Mais pour le moment, le seul amant que je désire ardemment n’est nul autre que toi, mon joli Alex. Toutefois, tu ne sembles pas l’avoir constaté jusqu’à maintenant puisque tu es aussi aveugle qu’une taupe. Pourtant, j’estime que la passion qui déchire mes traits doit d’exploser au visage dans toute son ampleur, mais tu demeures froid et méprisant. Ah, mon pauvre Alex, un jour tu verras et tu seras combler de tout cet amour juste pour toi.

-Je peux très bien monter les escaliers tout seul, grimaces-tu, grimpant péniblement deux ou trois marches. J’ai pas besoin de toi.

-Oh…Évidemment. Tu penses sérieusement que je laisserais un abruti fini tout seul dans une vaste maison ? Si un voleur décidait, tout bonnement et sur un coup de tête, de pénètre ici-même, de tout voler et qu’il te voit accourir dans sa direction, il t’aura tué dans la seconde qui suit. Or, personne ici ne veut que ce malheureux incident ne se produise, alors soit tranquille et je veillerai sur ton sommeil, et ce, jusqu’à demain matin lorsque j’aurai jugé que le danger s’est éclipsé.

Voilà une tactique infaillible pour faire taire son partenaire parce que depuis quelques bonnes minutes, il n’écoute plus ce que tu débites d’un ton s’adressant à un enfant de dix ans. Cependant, la dernière phrase n’échappe apparemment pas à tes oreilles étant donné que tu te mets à gigoter tout en protestant que tu veux être seul et que tu ne dormiras point si tu me savais dans ta maison. Allons, mon cher Alex, mais pour qui me prends-tu ? Je ne te mangerai pas, bien que l’envie soit là. Un fugace sourire étire mes lèvres tandis que je transporte jusqu’au premier étage. De là, il m’indique sa chambre à coucher où nous pénétrons sans tarder.

-Eh bien, Alex…C’est tout qu’une chambre bordélique.

Je t’installe sur son lit, ouvre une lumière et aperçoit la silhouette fugitive d’un chat s’élançant hors de la pièce. Alors, de ton côté, tu bougonnes un peu entre tes dents et m’ordonne de quitter les lieux dans les brefs délais tout en pointant la porte d’un doigt autoritaire. Je soupire, déçu, te laisse seul, descends les escaliers et, soudain, une idée lumineuse me traverse. M’élançant vers la porte, je l’ouvre, puis la referme assez sèchement. Ensuite, je patiente au moins une heure avant de remonter dans ta chambre où je te trouve endormi et comme si la lune se désirait clémente et bienfaisante, elle illumine tes traits d’un pâle rayon. Traits que je contemple toute la nuit.

J'ai eu un sommeil des plus agités. Enfin, je ne sais pas si j'ai vraiment bougé, seulement je n'ai pas arrêté une seule seconde de rêver. Des rêves étranges, pas agréables du tout. Bizarrement, je ne garde que cette sensation d'étrangeté quand je me réveille. J'ai la mâchoire lourde, les paupières lourdes … Je me sens lourd, quoi, au complet. Je remue un orteil, puis tous les autres. Puis je me frotte les yeux avec agacement quand je me souviens de ce qui m'a réveillé. Un cri strident, juste à côté de mon lit. J'ouvre un œil, puis les deux, pour que mon regard se pose finalement sur le visage de ma sœur.

-Whaaaaat ? je grogne, interrompu par un long baillement. J'dormais !

-Le souper est prêt.

Le souper ? Je m'étire avec bruit, jette un coup d'œil vers mon cadran, qui affiche effectivement 18:41. Bah, après tout, je suis allé à une rave hier. Logique que je dorme toute la journée. Toutefois je ne me souviens pas de la fin de la soirée, ni d'être rentré. Je sais que quelqu'un m'a raccompagné. Est-ce que j'ai raccompagné Yui jusque chez elle ? Non, je ne crois pas. J'ai plutôt l'impression que je l'ai plantée là. Je ferme les yeux. Quel idiot je fais. Pourquoi est-ce que je l'ai plantée là maintenant, c'est une autre histoire. Quelqu'un m'a poussé à partir…

Je bouscule un peu ma sœur pour me lever : j'ai une très pressante envie de pisser. Une fois dans la salle de bain toutefois, tout me revient et je ressors illico presto, juste au moment où Pat allait redescendre à la cuisine. Elle s'arrête, me regarde.

-Il est parti ? je demande.

C'est une voix masculine qui répond, venant du rez-de-chaussée. La voix de Desmond.

-Si j'étais parti, je doute qu'il y aurait eu un véritable repas. Allez, dépêche-toi de descendre, Alex. Ou ça va refroidir.

Je bougonne, foudroie ma sœur du regard et lui demande des explications. Elle me dit que vers huit heures du matin, en se levant, elle était passée dans ma chambre pour voir si j'étais rentré et avait failli avoir une attaque en voyant ce grand type assis près de mon lit, qui lui a patiemment expliqué qu'il m'avait ramassé à la rave party en piteux état, pour me ramener ici. Ils étaient descendus, avaient discuté un peu. Pat avait sympathisé, mais je doute que le sentiment ait été réciproque. Puis, avant de descendre, elle a lancé.

-Maintenant je sais qui c'est, ton amant secret.

Furieux, je lui lance une pantoufle fluffy vert fluo par la tête et retourne à mon pipi du matin … du soir. Je mets quelques minutes à me décider à redescendre, essayant de me convaincre que je suis encore en train de faire l'un de ces rêves étranges qui ont hanté ma nuit. Mais non. Je suis bien réveillé. Et Desmond est bel et bien assis à ma table, je constate, une fois en bas.

-'lut, je marmonne, encore un peu fatigué par ma nuit.

Puis je m'assois à ma place avec la bonne résolution de ne fixer que mes œufs.

listening to Bob Dylan - Tangled Up in Blue

-Alors…T’es le beau Desmond Ford, fait Patricia en lançant un coup d’œil espiègle dans ta direction, coup d’œil que tu ne perçois malheureusement pas vu ton obstination à contempler ton assiette.

J’hausse les épaules, esquisse un habile sourire flatteur et renvoie le compliment à ta sotte de sœur qui se tortille de plaisir sous mes paroles. Elle sourit, fait mine d’être embarrassée de mes propos charmants, mais au fond, elle frétille comme un poisson émoustillé. Tu sais, mon tout bel ange, tu es bien différent de ta sœur bien que vos visages se ressemblent d’une façon surprenante, mais tu n’es pas, fort heureusement, un imbécile superficiel couronné de l’absurdité des andouilles. Mécontent de la tournure des évènements, tu grimaces dans ta barbe, tout en évitant avec un soin méticuleux de me lancer des regards. Mon adorable petit chou, ton attitude me déçoit considérablement, toutefois, ta sœur semble m’apprécier vu ses sourires à mon égard et la douceur de ses yeux.

-J’ai beaucoup entendu parler de toi, raconte-t-elle en étalant de la confiture sur ses tranches de pain.

-En mal, je suppose, je fais en plaisantant.

Patricia rigole et approuve d’un signe rapide de la tête alors que toi, mon mignon, tes joues s’empourprent légèrement puis tu te mets à te racler bruyamment la gorge lorsque ta sœur nous répète toutes les insultes que tu as débitées à mon intention. Impressionné de ton vocabulaire cru et vivifiant, je siffle d’admiration devant le rapport de la jeune fille, voire que je lui demande de réitérer certaines phrases pour mieux savourer tes paroles. Rapidement, tu t’appliques à frapper dans tibias de ta sœur, de lui faire de gros yeux outrés ou encore à engloutir de déjeuner. De mon côté, je me permets des ricanements moqueurs puis je me redresse et m’écarte un peu de la table. Vous m’observez tout deux, toi immobile et attentif, elle muette et surprise.

-Quoi ? Tu t’en vas déjà ?

-J’ai bien peur que oui, je m’excuse avec élégance tout en inclinant le buste. J’ai deux ou trois petites choses à faire et comme je me suis assuré personnellement qu’Alex se sent beaucoup mieux qu’hier, eh bien je peux retourner à la maison sans inquiétudes. Ainsi donc, nous nous verrons au travail dès demain.

J’adresse un sourire chaleureux à Patracia, et pour toi, je te gratifie d’un air pervers et désireux. Expression te fait frissonner, je le vois bien. C’est avec de gracieuses salutations que je sors de chez toi, mon tendre amour, pour franchir ton jardin et m’orienter vers ma demeure tout en rêvassant sur ton compte. Comme d’habitude.

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