Une journée de shopping ? (Pv Alex)

Ce tailleur est ravissant. Il n’est pas trop serré ni ample, juste parfait pour découper ma taille et mes hanches comme une dame digne de ce nom. Je souris à mon reflet dans le miroir de ma cabine d’essayage, me demandant si Christian apprécierait mes nouveaux vêtements. Confuse, je rougis jusqu’à la racine des cheveux et entoure nerveusement une mèche de cheveux autour d’un doigt. Il est tellement beau, ô combien séduisant avec ce petit sourire charmeur et ses yeux tendres et … Oh dieu du ciel, Nanu un peu de retenu. Imagine un peu que ta mère perçoive ces pensées éhontées dans ton esprit, elle te savonnerait le cerveau dans le but de te purger de tes appétits, de tes fantasmes malsains et limerait ta langue, perforerait tes yeux afin que tu ne puisses plus voir le docteur Cabrol. Je déboutonne le tailler à la hâte et le range sur son support, embarrassée de mes conclusion. J’enfile une jupe à l’allure sévère, mais fendue de quelques centimètres sur la cuisse droite. L’ourlet atteint mes genoux, la découpe est classique, la teinte est noire avec quelques bandes rouges sombres. Elle me va à la perfection. Cette jupe en plus du tailleur, je serais jolie. J’aurais l’air d’une jeune femme d’affaire. Peut-être, avec un peu d’espoir, je plairais à Christian.

-Alex…Arrête donc de marmonner, t’es pas content de passer une journée de shopping avec ta sœur ? Même papa, à la limite, approuve ma suggestion.
-Penses-tu vraiment que j’aurais voulu te suivre dans les magasins durant ma journée de congé ? s’énerve une voix masculine et rauque de l’autre côté de la porte de ma cabine.

La sœur glousse de plaisir et ouvre une porte, ses talons claquent sur le carrelage blanc et gris de la boutique.

-T’avais rien de prévu de toute façon…À moins que tu attendais le coup de fil de ton amoureux secret !

Un éclat de rire vite suivi d’un couinement terrorisé puis d’un ricanement satisfait. Je me regarde dans la glace. Je suis en sous-vêtement. Ils sont blancs et sans fioriture quelconque. Les femmes qui aguichent le docteur Cabrol exhibent fièrement leur soutien-gorge en flanelle d’une couleur provocatrice ou abaisse ou remonter leurs jupes pour lui dévoiler la texture, la forme et la couleur de leur culotte. Certaines n’en portent même pas. Dès que le docteur circule dans un corridor, toutes les infirmières et les patientes soupirent en le voyant et quelques audacieuses s’approchent de lui et l’émoustille par des mots ou des gestes. Je devrais peut-être aller me procurer des sous-vêtements dans l’espoir qu’il me remarquera un peu plus. Oh Nany ! Tu es une idiote ! Une idiote !

-J’ai pas d’amoureux secret ! miaule une voix.
-Alex est amoureux d’un…C’est ce bruit ?

Tu es une idiote ! Une parfaite imbécile en chaleur qui ne pense qu’à…des choses douteuses ! Il faut laver mon âme de toute cette impureté ! Disgrâce ! Infâme femelle aux pensées cochonnes ! M’acheter des sous-vêtements attrayants en espérant que le beau Christian me remarquerait…Je suis idiote !

-Ça va bien là-dedans ? s’enquit alors une voix incertaine de l’autre côté du battant.

-Oh ?? …

Je n’avais pas réalisé que je me giflais furieusement les joues avec force et passion, échappant de petits gémissements de douleur. Je déglutis avec peine, enfile une robe noire et ouvre doucement la porte, me retrouvant vis-à-vis un jeune homme pas plus grand que moi.

Voir qu'à choisir entre jeux vidéo et shopping avec une furie je choisirais la seconde option. Je grogne, plus que mécontent. Comme si notre famille avait besoin de rapprochements ! Non, tout ce dont nous avons besoin, c'est de nous voir le moins souvent possible : ça évite les conflits répétitifs. Je soupire en la regardant se diriger vers des vêtements qui ne lui iront probablement pas. Je suis habitué de la voir dans du linge de pitoune. Il me semble que ce n'est pas son genre, cette boutique. Trop de classe pour elle. Je ricane. C'est méchant, mais c'est vrai. Heureusement, elle ne voit pas mon expression narquoise. Elle est trop occupée à je ne sais pas trop quelle occupation de fille. Ça et à me lancer des âneries par la tête.

-I AIN'T …

-C'est quoi c'bruit ?

Je tourne la tête dans la même direction qu'elle, c'est-à-dire vers les cabines d'essayage. Celle du centre, plus précisément, de laquelle viennent de s'échapper quelques bruits de claques sonores et quelques glapissements de douleur. Ils sont combien là-dedans, je songe ? Et pourquoi ils se giflent ? C'est du SM ? Je m'approche. Pat préfère s'éloigner, attirée par un tailleur trop classe pour elle.

-Ça va bien là-dedans ? je demande en toquant doucement à la porte.

Cette dernière met un certain temps avant de s'ouvrir sur une jeune femme blonde vêtue d'une petite robe noire de la boutique. Tu vois Pat … Elle, elle peut se permettre de porter ce genre de vêtements ! Ça lui va bien. Je ne m'explique pas très bien le rouge sur ses joues.

-Il y a quelqu'un with you ? 'cause si j'dérange, faut l'dire, je dis en reculant d'un pas.

Le rouge sur les joues de la femme prend plus d'importance – si c'est possible – et elle secoue la tête vivement en ouvrant toute grande la porte, pour me montrer qu'elle est bien seule. Elle se giflait ? Je souris, amusé. Je ne m'attendais pas à ce genre de distraction aujourd'hui. On rencontre des gens de tous les genres dans cette ville, même si les étranges, on s'attend plus à les voir dans le coin où je bosse… pas ici. Alors que je m'apprête à m'excuser à la jeune femme de l'avoir dérangée ne plein essayage, ma sœur bondit sur moi, telle une lionne, pour me brandir une culotte sous le nez. Enfin… S'il y a assez de tissu pour qu'on appelle encore ça une culotte…

-Stop it, je grommelle, furieux, lui arrachant la culotte des mains et en la lançant par-dessus la porte d'une cabine occupée.

Un son mât se fait entendre, ainsi qu'un "aïe". Je marmonne que je suis désolé, regardant ma sœur s'éloigner, contrariée. Madame est mécontente parce que je ne lui porte pas autant d'attention qu'elle le voudrait. Il faudrait qu'elle s'y fasse la petite princesse. Je n'ai aucun respect pour son attitude. L'idée de secouer des sous-vêtements dans le visage des gens. Une petite voix en moi ajoute : l'idée aussi de les lancer sur la tête des gens. Détail…

-Excuse my sis', je dis, embarrassé. Ils la sortent de l'aile psychiatrique once a week et il fallait que vous tombiez sur ce jour-là.

Ils la sortent de l’aile psychiatrique ? … Incertaine, j’incline le buste et suit du regard la jeune fille s’enfermer dans sa cabine d’essayage. Je déglutis avec peine et misère, croise le regard moqueur du garçon et rougis furieusement. Il doit rigoler, se moquer de moi, employer un humour pas drôle du tout pour rendre la situation ridicule, mais mon cerveau songe à tout ce que peut accomplir un être humain instable. Je tremble un peu, me ressaisis de quelque peu et tente d’émettre un petit rire nerveux. Le son qui franchit mes lèvres ressemble beaucoup plus à une sorte de gargouillis répugnant qu’à un rire franc. Maudite Nany, tu es vraiment incapable de faire bonne impression. Ce garçon au regard clair est venu s’assurer de ton état ou même qu’il croyait que tu faisais battre ou peut-être…pensait-il autre chose. Mes joues s’enflamment brusquement.

-Je…Vous…Savez…Je…Je tombais de sommeil et je me giflais pour…pour… pour me réveiller. Voilà.

-Ahhh…That’s ok. One of my friend fait ça aussi parfois. J’trouve ça weird.

J’hoche lentement la tête, la bouche béate. Mélange-t-il l’anglais et le français dès qu’il s’adresse à quelqu’un…C’est ahurissant et déstabilisant. Je suis si habituée au beau langage de docteur Cabrol. Langage qu’il emploie avec une voix si douce, si raffinée, si délicate, si profonde, si merveilleuse, si mélodieuse. Je glousse de rire, m’empourpre sous mes pensée amères et me gifle encore pour me punir de ce comportement effronté dont Dieu m’a attribué. Que dirait ma mère si elle captait mes songes. Elle m’enverrait dans un couvent afin de purifier mon âme souillée, assurément.

-T’avais encore sommeil ? me demande le petit homme en arquant les sourcils.

-Je…Oui…Oui…I forgot….Je veux dire, j’ai oublié de boire mon café ce matin. J’ai toujours besoin d’un bon café le matin, sinon je m’endors durant ma journée.

Pauvre cruche, tu n’es pas capable d’assumer la triste réalité. Tu fantasmes à fond sur un homme facile, plus vieux de dix ans au moins, et ce dernier ne voit ni ne comprend les signaux que tu lui envoies. Très bien, je vais porter cette robe noire moulante vendredi soir afin de l’impressionner un peu, il n’aura pas le choix de déchiffrer le message que je lui tends depuis si longtemps. Les hommes sont si bornés, si bêtes. Oh… !!? Ai-je dit cette insulte ?! Vilaine Nany, vilaine Nany !!

-Tk, la robe te fait bien, me compliment le jeune homme avant de se détourner.

-Humm…Euh…Monsieur, jeune homme ? Je…J’assiste à une soirée assez chique ce vendredi-ci et je…Humm…

Je ne vais quand même pas demander cette faveur à un parfait inconnu ?

-J’apprécierai connaître le point de vue masculin sur certains vêtements…Je…Je voudrais faire sensation … chez…Humm…Chez…Chez un…quelqu’un…Humm…

Ce que tu peux être pathétique, Nany ….

Je souris à la jeune femme. Un point de vue masculin sur des vêtements ? Pas de problème ! Ma sœur passe son temps à me le demander et à me trainer partout avec elle comme si j'étais son petit ami. Mon sens de l'esthétique a grandi dans les meilleures boutiques de Paris, Milan, Londres, New-York. J'ai été forcé d'assister à des défilés de mode de style que le commun des mortels ne soupçonne même pas d'exister. J'ai épaté bon nombre de filles en leur faisant remarquer que leurs chaussures sont un modèle de telle ou telle année par tel ou tel designer de mode. D'un point de vue adolescent et superficiel, je suis l'homme parfait. De tous les autres points de vue par contre … Mon père trouve plutôt que j'ai l'air du meilleur ami gai, alors que c'est lui qui me force à sortir avec Gabi quand elle le demande. Par contre, on ne fait jamais ce que moi j'ai envie de faire : sortir, m'amuser, danser. Non. Elle préfère le shopping, ou encore sortir dans des boîtes à la mode où on passe du Rihana.

-Go ahead, passez ce que vous avez, I'll see si je peux vous trouver d'autres morceaux.

-Merci, murmure la jeune femme avant de s'enfoncer à nouveau dans la cabine, d'où j'entends bientôt provenir un autre son de claque.

Eh ben, je songe. Il faudrait qu'elle pense à dormir plus dans les nuits qui viennent. Si l'homme qu'elle veut séduire n'a pas d'humour, je ne crois pas qu'il appréciera une femme qui se gifle devant lui en permanence. Enfin bon, ces histoires ne me concernent pas. Moi tout ce que j'ai à faire maintenant, c'est jongler entre cette femme et ma sœur pour leur trouver des vêtements à toutes les deux. Ma sœur s'est elle aussi enfermée dans une cabine, juste à côté.

Bon, pour la jeune inconnu, ce doit être quelque chose de sobre, quelque chose qui ne soit pas provocateur. Elle m'apparaît comme quelqu'un de très timide, et si elle devait passer toute la soirée avec un décolleté trop profond, je crois qu'elle mourrait de honte sur sa chaise et devant son homme. Tandis que pour ma sœur, je dois chercher des trucs sexys, sexy dans le sens où l'entendent ses amis, bien sûr. C'est-à-dire que tant qu'on voit ses seins et son cul, ça passe. Je soupire, et empile les robes, les hauts et les bas sur mon bras gauche, passant tantôt du décolleté au colleté, de la mini-jupe à la jupe plus longue.

Je reviens aux cabines, tout est emmêlé sur mon bras. Et un vêtement par-dessus la porte de Gabi, un autre par-dessus celle de la blonde, Gabi, Gabi, la blonde, la blond… merde… Celui-là était pour Gabi ! Je m'approche de la porte, cogne doucement.

-Erm, mademoiselle. Excuse me but … Pourriez-vous me renvoyer le dernier morceau que je vous ai passé ? C'était pour ma sœur.

Je soupire de soulagement quand elle me renvoie le bustier presque obscène sans passer de commentaires du genre "quel porc, vouloir que je mette ça". En lui passant le reste, je lui dis que j'ai estimé sa taille à l'œil, et que si quelque chose ne fait pas, elle n'a qu'à me le dire, et j'irai lui en ramener un autre.

Je remarque une vendeuse qui me regarde du coin de l'œil, puis qui glisse quelques mots à sa collègue, qui semble plus âgée. J'ai comme l'impression que je vais recevoir une jolie proposition d'emploi. L'ennui c'est que j'ai déjà un boulot, et que si je travaillais dans une boutique de ce genre, pour femmes, mon père me traiterait encore plus de fillette qu'il ne le fait déjà.

listening to Apocalyptica

Ce garçon est très gentil, je devrais lui trouver quelque chose pour le remercier. Ce n’est pas n’importe quel jeune homme qui aurait accepté ma proposition si exaspérante. Voyons, demander, avec une note de désespoir dans la voix, à un parfait individu de nous aider à s’habiller pour un rendez-vous c’est limite pathétique. Oh…mais je suis pathétique. Je suis une vraie nullité; incapable de proposer des sorties avec ce beau Christian, incapable de lui montrer mon intérêt pour lui, incapable de me conduire comme une femme et non comme une gamine intimidée par ses sentiments et le sexe masculin. Je suis vraiment lamentable.

C’est avec le cœur lourd que j’enfile une robe rouge bourgogne moulante et ravissante puis me recouvre les épaules avec un boléro noir. Pendant un instant, je me fixe dans la glace, étonnée de cette soudaine métamorphose. La finition de la robe se compose de multiples voiles de satin qui ceux-ci battant mes genoux avec délicatesse. Ensuite, au niveau de la taille, la robe est ajustée de façon à mettre en valeur mes hanches et ma poitrine qui semble bien plus généreuse que d’habitude. Alors, je lisse ma robe avec nervosité et sors de la cabine à la demande spéciale d’Alexis qui siffle d’admiration devant moi.

-This dress is beautiful, fait-il en tapant dans ses mains.

-Je dois avouer qu’elle me plait aussi, mais je n’ai pas de souliers pour aller avec…Et je ne saurai pas quoi choisir.

-Oh ! No problem ! On n’a qu’à aller magasiner les souliers.

Alexis s’excuse un moment pour aller près de sa sœur qui beugle son nom depuis quelques secondes. Celle-ci lui annonce, en sanglots, qu’elle a engraissé et que la robe verte au décolleté profond ne lui fait pas. Le jeune adolescent, tout souriant, lui demande s’il est nécessaire d’aller chercher une plus haute grandeur et, devant le refus larmoyant de sa pauvre sœur, revient vers moi en gambadant presque.

-Je lui ai remis une XS au lieu d’une S, juste pour l’entendre se plaindre…

Je souris faiblement puis fixe la porte de la cabine d’essayage en déglutissant avec peine. Est-ce qu’il faut agir comme ça pour devenir une vraie femme ? Est-ce qu’il faut que je prenne soin de mon apparence au point d’éviter de grossir ou de me gâter avec du chocolat ? Est-ce que je dois m’affubler de vêtements féminins qui rendent mes courbes adorables et admirées ?

-Alexis, qu’est-ce que je peux faire pour séduire un homme ?

L’interpellé me regarde un moment, papillonne des paupières avec surprise et fait la moue en se grattant le crâne, pensif.

-Ouff…on repart de loin là…

C'est marrant qu'elle me demande ça, je songe, toujours me grattant le sommet du crâne. En règle général, je ne suis pas une référence parce que tout ce que font les filles pour me plaire a la fâcheuse tendance de m'exaspérer au plus haut point. Prenez juste ma sœur : comme elle se drape pour aller séduire ses petits mecs, ça me rend dingue, ça me donne des boutons. Des filles comme ça me rendent super nerveux, juste par leur tenue et leurs manières. C'est con à dire. Je sais que ça suffit à bon nombre de mecs pour bander ben dur, mais moi, ça me terrifie, carrément. J'ai passé assez de temps à conseiller des filles sur leur tenue pour des rendez-vous que j'ai appris ce qu'elles voulaient : une façon pseudo-subtile – par leurs vêtements – de dire qu'elles désirent le mec sans le lui dire vraiment. Complètement absurde. Moi, si quelqu'un me plait, je ne vais pas tourner autour du pot. Me connaissant, ce serait des plans pour que je finisse par oublier le pot. Je souris à cette idée.

-When is your rendez-vous ? je demande.

-C'est seulement une soirée, bafouille-t-elle. Pas un rendez-vous.

-Same question, then, je dis en souriant.

-Vendredi.

Ah si, elle me l'avait dit tout à l'heure. Où avais-je la tête ? Probablement que je me concentrais un peu trop sur les vêtements que j'essayais de trouver pour ma sœur. Je souris en repensant au coup que je lui ai fait. Elle va arriver à la maison et se lancer dans un ménage du réfrigérateur, mettant ainsi toute la famille au régime. Pendant quelques semaines, il n'y aura plus aucune matière grasse dans la maison, ce qui ne me dérange pas vraiment. Ma réserve de cochonneries est planquée dans ma chambre et si j'ai vraiment besoin de gras, je n'ai qu'à passer chez Ashton pour savourer une succulente poutine. Hmn… Ça y est, j'ai envie d'une de ces choses.

-Vendredi… Well, if you don't mind, ma sœur et moi on continue ses courses un moment. I'm stucked here jusqu'à la fermeture, en fait. Donc si ça vous dit, venez casser la croûte avec nous, puis je vous aiderai à vous composer … a nice and sweet ensemble.

La jeune femme hésite, dit qu'elle ne veut pas nous déranger. Je lui affirme qu'elle me sauvera bien plus probablement la vie et me rendra un très grand service en nous accompagnant. Voyez-vous, me retrouver seul avec ma sœur, ce n'est pas vraiment … pas vraiment super. Je risque de sombrer dans un coma profond, ou dans une crise d'épilepsie des plus sévères. La jeune femme rit, m'apprend qu'elle est stagiaire en cardiologie, qu'elle pourra donc me ranimer en cas de problème. J'éclate de rire.

-If it's fine then … Vous aimez la poutine ?

listening to Skye - Love Show

Et nous y voici, à une table dans la section restaurant du centre commercial. Mes deux nouveaux compagnons ne disputent à savoir quelles boutiques nous irons visiter après notre repas constituant une énorme poutine pour Alexis, une salade pour sa sœur Pat et une petite poutine pour moi. C’est plutôt rare que je m’accorde ce genre de nourriture. Ma mère avait pour habitude de nous répéter que la poutine était le moyen le plus facile et accessible pour devenir grosse et laide. Ma mère est d’une gentillesse exemplaire lorsqu’il s’agit de fournir ses opinions sur une question précise. Je me souviens de mon premier et dernier petit ami, quand je l’ai présenté à ma famille, ma mère a énuméré tout haut qui lui déplaisait chez mon copain. J’étais déçue, humiliée, angoissée. Et lui, il était furieux et outragé. Je me demande quelle réaction aurait maman en rencontrant Christian, je fais, songeuse.

Il est beau, gentil, intelligent, raffiné, gracieux, élégant, courtois, galant. Je soupire d’amour…d’a…d’amour? … Pardieu, il faut absolument que je me gifle. Je ne dois pas avoir ce genre de pensées effrontées, espèce de maudite…pu…pute ! Je ne veux même pas imaginer comment il réagirait lui s’il découvrait mes sentiments, mes opinions le concernant, mes envies et tous mes fous désirs que je ne devrais pas avoir. Je suis maudite ! Je suis une petite gueuse !

-Je ne veux pas rentré dans une boutique de lingerie ! s’épouvante Alexis en écarquillant des yeux affairés.

-Écoute frérot, si elle veut être présentable pour son homme, elle doit nécessairement avoir des sous-vêtements qui fitent avec sa robe. C’est p-r-i-m-o-r-d-i-a-l !

J’émets un petit rire timide et plonge mon nez dans ma poutine, ne sachant pas trop comment me tenir avec ces deux jeunes gens qui se disputent sur tel type de sous-vêtements à me procurer. Leur conversation me rend nerveuse et mal à l’aise. La fille propose un «string cochon» et un soutien-gorge qui fait office d’un véritable bustier afin de remonter mes seins. Mes joues se teintent d’un rouge homard dès la mention de cet ensemble extravagant et sexy. De son côté, le jeune homme secoue vivement la tête. La culotte, elle doit être élégante et raffinée, en dentelle pourquoi pas ? Le bustier, par contre, il ne dit rien.

En vérité, je n’ai pas le courage de leur avouer qu’il n’y aura probablement pas de suite à ce rendez-vous. Christian ne comprend pas mes signaux lumineux et continue à courtiser toutes les femmes sauf moi. Encore une fois, je rougis. Ça m’embête, oui...j’ai honte de le dire, mais ça m’embête qu’il me refuse le plaisir de ses baisers, de ses caresses, de ses étreintes. J’envie toutes les femmes qui ont la chance de le toucher comme j’aimerais le touc…Dieu…Nany ! N’as-tu pas honte ! Que dirait Christian s’il savait ! Pis, que dirait ta mère ! Je soupire.

-Eum … Je peux vous …euh… poser une question, je dis en les interrompant dans leur tirade.

-Ouais, grince Alexis en foudroyant sa sœur d’un regard torve.

-Je…Je vais paraître idiote et incompétente, mais je n’ai jamais eu la chance de…m’exercer auprès des hommes…Je veux dire…Je ne suis pas…capable de m’exprimer clairement…Je veux dire…Comment on séduit un homme ou mieux, comme on lui…fait comprendre qu’il nous…attire…?

La question de Nathanielle me laisse perplexe un instant. Je ne suis pas expert en la matière. Je ne sais pas comment fonctionnent TOUS les hommes. Aussi, je reste silencieux, bafouille un peu, puis hausse les épaules, désolé de ne pas pouvoir l'aider. Je devrais me préparer ce genre de questions à l'avance, comme ça je ne serais peut-être plus prise au dépourvu. Je ne sais pas si c'est parce que j'ai l'air sympathique, mais elle n'est pas la première à me demander comment on peut plaire à un homme.

-Well, moi je sais que j'aime bien quand la fille y va directement, sans tourner autour de pot.

C'est bête, mais c'est le seul conseil que je peux lui donner. Elle a l'air, pendant un moment, de s'en satisfaire, mais ma sœur décide de prendre ses grands airs, de m'assener une claque derrière le crâne et de se mêler de l'histoire. Bon … c'Est vrai que la question ne s'adressait pas qu'à moi…

-N'écoute pas Alex. En plus, il dit n'importe quoi. Son prétendant lui a dit carrément ce qu'il voulait, et il flippe. Alors non, son conseil, oublie le.

Je rougis, m'apprête à l'envoyer balader pour une énième fois, mais je me contente de rester cramoisi sur mon siège, silencieux, en évitant le regard étonné que Nathanielle me lance. Non, je ne suis PAS gay ! Mais je me retiens de le crier tout fort, pour que ma sœur ne se moque pas encore.

-Ce que les mecs aiment, c'est qu'on leur fasse voir doucement et tranquillement – pour que leurs cerveaux arriérés comprennent bien le message – ce qu'on désire d'eux. Tu te pomponnes, tu mets des parfums attirants, tu l'effleures quand tu le peux, tu ris de ses blagues même si elles sont complètement nazes … Qu'est-ce que tu veux, toi ? Baiser avec lui ? Ou juste lui dire que tu l'aimes ?

Notre compagne d'un jour rougit furieusement et baisse le nez sur l'horrible table de l'espace restaurants, les yeux fixés sur sa poutine à peine entamée qui me fait de l'œil depuis tout à l'heure. Je regarde la jeune femme avec attention. Son teint n'est plus que rouge : il est écarlate, et plus si possible. Elle reste coite un moment, nous regarde par en dessous et se met à bafouiller qu'elle veut qu'il sache qu'elle l'aime bien et – si je comprends bien ses bafouillements – plus si affinités. Pat soupire avec bruit.

-Alors là c'est sûr qu'il faut que tu y ailler doucement. Annonce à un mec que tu l'aimes, et il prend la fuite.

Putain, ce qu'elle dramatise celle-là ! C'est pas tous les garçons qui sont comme ça. Je veux dire, que moi, je suis pas comme ça en tout cas. Et Nathanielle n'a pas la tête d'une fille qui s'amourache du connard de service, non ? Elle a la tête d'une fille réfléchie. Bien élevée. Ce n'est pas une écervelée comme ma sœur.

listening to The cure - Friday I'm in love

-Now…Talk us about him, m’encourage alors le jeune homme d’un regard pétillant, les coudes sur la table, les doigts noués sur sous menton.

Sa sœur acquiesce avec véhémence, glisse machinalement quelques mèches derrière ses oreilles, puis, attentive, elle me dévisage avec curiosité. Je souris faiblement, me recroqueville légèrement, pourfends quelques frites de ma fourchette impitoyable tandis que j’essaie de placer des mots sur le beau Christian Cabrol. Oh, comment expliquer à quel point il hante mes pensées et mes rêves, voire pire, il est constamment dans mon esprit comme si celui-ci avait érigé un temple dans l’intimité de mon être. Oh, comment décrire toutes les amalgames d’émotions qui me terrassent si froidement depuis sa connaissance.

-Il est…

Je me tais, soucieuse. C’est stupide. Que dirait ma mère si elle apprenait que je me confiais à de parfaits étrangers, plus jeunes que moi apparemment et plus expérimentés ? Elle ne renierait ou plutôt me bouderait pour le restant de ses jours. Oh et puis, ces gens, si gentils et si courtois, semblent intéressés par mon problème et tentent par tous les moyens d’améliorer la situation bourbeuse entre mon adorable médecin et moi…Je rougis…Les yeux écarquillés…Mon adorable médecin et moi ? Dieu, il faut absolument que je lave la bouche, immédiatement. Non ! Que je me nettoie le cerveau de fond en comble…Oh…pauvre Cabrol, que penserait-il en apprenant la débauche de mes délires ?

N’arrivant plus à terminer mon repas, je le repousse en direction d’Alexis qui s’empresse d’engloutir ce met calorique.

-Il est gentil, compréhensif, attentionné. Je…Je n’ai jamais vu un homme aussi…doux et courtois. C’est…euh…un médecin que j’accompagne durant mon stage, mais ce n’est pas une amourette de passage ! Je vous l’assure ! Je…Il est un peu…libertin, que je dis en soufflant, épiant les alentours comme si je venais de révéler le plus grave des secrets jamais dévoilés. Mais…il…euh…Je pense qu’il est très…expérimenté avec…euh…les femmes, mais pourtant il ne sem-semble pas remar-marquer mon…atta-attachement pour lui.

-Bah, les hommes sont tous aveugles, tout le monde le sait ça, conclut la jeune fille en opinant du chef. C’est leur engin qui est muni de détecteur à femmes.

Outragé, son frère pousse alors un crie effarouché en objectant furieusement aux propos humiliants de sa sœur. Hébétée, je les écoute se débattre sur la question, inquiète de les voir en venir aux poings, mais je soupire de soulagement lorsque l’adolescent virevolte sa tête contrariée dans ma direction.

-J’ai…je ne sais plus trop quoi faire pour attirer son attention. Les femmes en jupes courtes ont plus d’effet.

Vraiment, ma soeur ne fait rien pour encourager cette gentille infirmière. Tout le monde sait que les hommes sont aveugles, tout le monde sait que les hommes ne cherchent que des jupes à retrousser, tout les monde sait que les hommes, bla bla bla ! Et moi je suis quoi là-dedans ? Tout ce qu’elle trouve à me répondre c’est : “toi tu dois être gay.” Contrarié, je ramène mon attention vers Nathanielle, qui semble perplexe devant notre petite joute verbale à propos des hommes. Je soupire, puis soupire à nouveau quand elle fait une remarque. Bravo, elle ne fait que confirmer ce que ma soeur vient de dire. Enfin, pas sur le fait que je serais gay ! Non, plutôt sur le fait que les hommes ne cherchent que les petits culs sous les jupes. Cette fois je m’avoue vaincu. Je me croise les bras sur la poitrine. Mon père m’a appris que d’affronter une femme, c’est chiant, mais deux, c’est carrément du suicide. Même si elles ont tort et nous raison, mieux vaut qu’elles croient le contraire. Après tout, ça leur arrive si rarement d’avoir raison ... Sacré papa...

-Écoute, ce qu’il te faut, c’est de quoi remonter cette bonne paire de seins.

Notre compagne du jour hoquète, et moi aussi. PAT ! Comment est-ce qu’elle peut dire une chose pareille ? Je ne suis pas un expert en poitrine, mais celle de la jeune femme est bien assez opulente pour ne pas avoir besoin d’être plus mise en valeur. Elle se remarque déjà bien assez sous un pull. Mais Patricia continue son discours sur l’art d’être une femme objet. Nouveau hoquet de stupeur ! Comment une femme peut tenir des propos aussi vieux-jeu ? Mais elle s’empresse d’ajouter que c’est plutôt une arme car en ayant l’allure d’une femme objet, on peu manipuler qui l’on veut. Je marmonne entre mes dents que ce n’est pas moi qui me ferais avoir par une telle stratégie, aussi basse, et sans me regarder, elle ajoute : “bien sûr, mon frère est gay, tout cela ne l’atteint pas.”

-PAT, you jerk ! Stop that, right now !

Quand va-t-elle enfin arrêter de ramener Desmond sur le tapis ? J’en ai plein le dos, ras le bol, j’ai dépassé mes limites d’absorption de ses bêtises.

-Le prochain mot que tu dis à ce propos, je te jure que je te le fais rebouffer !

Je dois avoir l’air assez menaçant en le disant parce qu’elle se tait, avant d’ajouter que si je suis si doué que je le dis, je n’ai qu’à régler le problème de Nathanielle tout seul.